Mon premier bébé est une fille, Natacha. Quand elle a eu 3 mois, les médecins m’ont confirmé qu’elle était aveugle.
Il existe peu ou pas de documentation concernant les petits enfants aveugles, en tout cas, je n’en ai pas trouvée. Alors, a commencé l’apprentissage pour nous deux, pour moi comme maman, et pour ma fille. Avec le recul, je me rends mieux compte des choses importantes pour nos enfants handicapés de la vue, et j’aimerais vous les faire partager.
En fait, ma fille était une fille comme tous les autres enfants. Alors, je lui ai fait partager toute notre vie de famille, mais aussi notre vie sociale, nos sorties. Ce n’était pas à nous de trier ce qui pouvait l’intéresser, c’était à elle. J’étais jusqu’à l’emmener dans des musées de peinture, où elle admirait les escaliers, qui montaient, et parfois les cadres des tableaux. Et un jour elle m’a dit, non, je ne viens plus voir les tableaux avec toi, j’ai vu ce que c’était ! Par contre, elle a toujours aimé les films, au cinéma comme à la television. Je cherchais des films où il y avait des dialogues, elle s’asseyait entre sa sœur et moi, et nous lui complétions le film par des petites descriptions. Ensuite elle y allait seule avec sa sœur, ou bien avec ses amis.
… Expliquez-lui les bruits qu’il-elle vient d’entendre: tout le monde entend, mais il faut lui apprendre à écouter. Les oreilles vont guider les pas de votre enfant, elles lui permettront de se lier avec le monde qui l’entoure. Apprenez-lui à faire la différence entre une porte qui s’ouvre et une porte qui se ferme, à reconnaître le pas du papa ou du grand frère, à différencier le bruit des pas sur le tapis et sur le carrelage. Mais aussi reconnaître l’eau qui coule du robinet de celle de la douche, etc.
… Il lui faut beaucoup de mémoire pour se souvenir de toutes ces choses que nous voyons quand on les cherche. Depuis tout petit, aidez-le à développer sa mémoire. Montrez-lui l’emplacement de plusieurs objets, livre pour raconter une histoire, le cacao à mettre dans son lait, les chaussures pour aller se promener (il est important d’avoir une place fixe pour les objets !) , et demandez-lui de vous les apporter, il en sera fier, et exercera ainsi sa mémoire.
… Faites-lui connaître d’autres personnes, d’autres lieux, mais expliquez-lui toujours où vous allez. Même si il ne comprend pas au début, il va se rappeler petit à petit. Prenez-le dans les magasins, dites-lui que vous voulez acheter du pain et demandez-lui de vous dire quand on s’approche du stand de la boulangerie, son petit nez aussi va l’aider à s’orienter. Une fois qu’il sait marcher, ne le mettez plus dans le chariot du supermarché, mais faites-le marcher à côté, il développera ainsi bien mieux son sens de l’orientation !!!
… Quand vous vous promenez avec lui dans sa poussette, racontez-lui le chemin que vous êtes entrain de faire. Parlez-lui des maisons que vous passez, les arbres, les jardins, des voitures le long de la route. Dites-lui quand vous allez traverser, et quelque temps plus tard il reconnaîtra les chemins que vous faites souvent.
… Dès qu’il sait marcher, laissez-le marcher seul le plus souvent possible, tout en le surveillant de près bien sûr. C’est ainsi qu’il apprendra à se déplacer seul plus tard. Seul dans la rue, vous verrez qu’il ne marchera pas droit, il dévie. Faites-le marcher dans l’herbe, sur le trottoir, sur la terre, etc. Trouvez-lui un endroit sans danger où il pourra courir. Là vous pouvez commencer à lui apprendre à venir droit vers vous en l’appelant. Apprenez-lui très tôt que si vous dites ‘stop’, il doit s’arrêter tout de suite. Refaites ce même ‘exercice’ dans la foule, un jour de marché. Lâchez-lui la main, éloignez-vous de 2 mètres et appelez-le. Il doit savoir que vous êtes toujours tout près, et cela évitera qu’il panique quand il y a trop de monde. Il doit pouvoir venir tout droit vers vous dans n’importe quelle circonstance. Petit à petit vous pourrez agrandir la distance entre vous et lui. Utilisez régulièrement le mot ‘stop’, pour qu’il s’arrête tout de suite, n’importe où !!!
… Apprenez-lui à avoir un comportement social ‘normal’ : tourner le visage vers celui qui parle (et pas l’oreille comme ma fille avait l’habitude de faire !) mais aussi à soigner son apparence. Il doit vivre dans un monde de ‘voyants’, où l’aspect est important
… S’il a des frères et soeurs, faites-les participer très tôt aux ‘exercices’, ils sont capables de comprendre, même très jeune, le handicap de leur frère ou soeur. Quand ma fille avait 5 ans, sa petite soeur de 3 ans voyait dans un pré des chevaux avec leurs poulains, et elle courait en avant pour aller les voir de plus près. Après deux pas, elle s’arrête, tend le bras vers sa soeur et lui dit ‘viens, il y a des chevaux’. Elle avait compris que sa soeur ne les avait pas vus, alors elle lui a donné la main et elles ont couru tout deux vers ces chevaux. N’oubliez pas que la grande différence entre un enfant voyant normalement et un enfant handicapé de la vue est : les autres enfants vont à la découverte de tout ce qu’ils voient ! Vous devez par contre guider, stimuler votre enfant aveugle dans ses découverte, car il se contenterait d’un mètre carré.
… Ces ‘exercices’ sont à faire tous les jours, sous forme de jeu !
Ma fille a bien grandi, elle a 27 ans maintenant et est heureuse de vivre. Elle m’a beaucoup apporté, ainsi qu’aux autres membres de ma famille, et je suis fière d’elle.
Texte écrit en 2000 par Marieke