L’intégration sociale fait partie intégrale de l’intégration scolaire, elle prépare l’enfant à sa vie d’adulte dans une société qui est fait de gens « voyants ».
Une véritable intégration sociale est seulement possible si l’enfant fait lui-même les démarches pour aller vers l’autre, et établit ainsi les contacts. Mais comment voulez-vous qu’un enfant aveugle puisse aller vers les enfants qu’il ne voit pas, et partage les jeux et intérêts, qui sont presque tous visuels, de ces enfants? Il le fera certainement, mais beaucoup plus tard.
L’ intégration sociale devra se faire avec l’aide des parents et autres membres de la familles, et celle des enseignants, etc.
Comme parent vous pouvez aider votre enfant en l’accompagnant vers les autres enfants, ses petits voisins, ses cousins. C’est vous qui établissez le contact, mais cela lui permettra de partager certains jeux avec eux. Il faut lui faire connaître d’autres personnes, mais le contact s’établira plus facilement avec des adultes. Avec des enfants il faut insister plus, ils sont souvent trop pris dans leurs jeux, leur monde. L’institutrice doit faire la même chose en classe, aider l’enfant à entrer en contact avec les autres élèves.
Ma fille aînée, non-voyante, a refusé de parler en classe pendant sa première année scolaire (à 4 ans), l’institutrice n’avait pas compris le problème d’intégration lié à son handicap. La deuxième année s’est passée un peu mieux, mais elle jouait le rôle d’une assistée, elle montrait qu’elle avait besoin d’aide même pour des choses qu’elle était capable de faire seule! Elle ne savait pas quelle était sa place dans ce monde scolaire – son handicap ne lui permettait pas de « copier » sur les autres enfants – et avait trouvé ce moyen d’avoir « une » place. Là aussi, l’enseignante aurait pu éviter ce comportement, ce qu’elle a fait d’ailleurs par la suite.
Ensuite, elle a passé 2 ans dans une école pour handicapés de la vue. Elle y a appris beaucoup, mais elle était malheureuse, coupée de sa famille et son environnement.
Alors, ensemble, nous avons décidé de la remettre à l’école publique de notre ville. Nous savions que ce serait difficile. Souvent elle disait, je sais que je dois aller vers les autres, mais c’est dur! Chaque nouvelle année scolaire, je suis allée vers les enseignants de ma fille pour leur expliquer les difficultés liées à son handicap. Il y a eu des enseignants sympas, qui l’ont aidée dans ses démarches d’approche des autres élèves, et elle a pu participer ainsi aux activités scolaires et extra-scolaires. Et il y avait quelques enseignants qui trouvaient que c’était à elle seule de faire les efforts, ils n’avaient pas compris qu’elle avait besoin d’un adulte pour entrer en contact avec ses camarades de classe. Elle avait bien quelques copines, mais elle partageait relativement peu de leurs activités.
Ensemble, nous avons cherché des activités qu’elle pourrait partager avec les « voyants », comme la musique ou du sport, et quel sport (?). Et on s’est rendu compt qu’elle aimait l’effort physique, qu’elle était douée pour le sport. Elle a commencé à faire de la natation (à 6 ans), le patin à roulettes, du tandem (à 10 ans), du ski, de la course à pieds, etc. Pour ces activités elle était accompagnée d’un adulte, mais elle les partageait avec les autres enfants de son âge.
Son « cercle » s’élargissait, mais elle avait toujours besoin d’un adulte. Ma fille était très autonome, et un peu casse-cou, elle en voulait, et elle continuait à faire les efforts. A 15 ans, elle est partie en Angleterre pour 3 semaines, pour un cours intensif d’anglais, seule, avec son ordinateur sur le dos. La mère en avait mal au ventre! Le séjour s’est très bien passé, mais là-bas aussi, elle avait eu peu de contact avec les autres étudiants.
Il y a eu des moments très difficiles, et parfois elle pleurait dans son lit le soir. Et si l’on lui demandait pourquoi, elle disait qu’elle était triste, et qu’il fallait la consoler. Malgré tout je voyais bien qu’elle avançait, de la volonté, elle en avait à revendre.
Un jour, je lui ai lu l’histoire d’un garçon aveugle. Ses parents avaient décidé de remplacer les mots « voir » et « regarder » par « écouter » et « sentir », et de ne pas l’envoyer à l’école. Le garçon était heureux, et pensait que tout le monde était comme lui. Un jour pourtant, ils rencontrent une dame accompgnée de sa petite fille, qui racontait qu’elle avait commencé l’école. Et le petit garçon demandait, c’est quoi l’école? Ses parents étaient obligés de lui dire que les autres enfants voyaient, et qu’ils allaient à l’école. Le petit garçon se rendait compte qu’il était différent des autres. Le soir, il voulait aller au lit, car en fermant les yeux, il serait comme tout le monde … J’ai demandé à ma fille si elle avait voulu ne pas savoir sa différence. Elle m’a dit, non, c’est mieux comme ça, ça aurait été plus facile ne pas savoir, mais après, cela aurait été beaucoup plus difficile.
Les années ont passé, elle a fait ses études avec les autres, elle continuait à faire beaucoup de sport, mais c’était toujours les adultes qui établissait avec elle le contact avec les « non-handicapés ».
Un jour, elle commençait une nouvelle école, elle avait 19 ans, et je l’ai accompagnée chez le directeur. Ensemble nous avions parlé de ses études, des problèmes de l’équipement spécial, etc. Ce directeur a alors proposé qu’elle se présente elle-même à l’ensemble des étudiants et professeurs. Nous en avions parlé, et elle a décidé de le faire avec de l’humour, en racontant quelques anecdotes, pour qu’ils n’aient pas peur de l’handicap. Elle est partie le lendemain, avec beaucoup de courage et un peu d’appréhension. Elle s’est présentée avec beaucoup de sincérité, a raconté ses peurs, mais a parlé aussi de ses intérêts et de ses capacités, et de ses sports. En rentrant le soir, elle m’a dit qu’à la fin de sa présentation, beaucoup de jeunes sont venus vers elle, ont voulu savoir comment apprendre le braille, faire un cours de guidage pour le ski, et l’ont invitée à venir boire qqchose. Elle était rayonnante, ma fille. Et moi, j’étais fière d’elle.
Ce soir-là, c’est moi qui ait pleuré dans mon lit, de bonheur. Elle y était arrivée, ma fille.
C’était il y 10 ans, elle avait 19 ans. Maintenant elle est une femme heureuse, épanouie, autant sur le plan privé que sur le plan professionnel. Avec le recul, c’est bien la période de l’adolescense qui a été la plus difficile.
Vous voyez, l’intégration scolaire est tout à fait possible et positive pour l’enfant comme pour ses camarades de classe, les enseignants m’ont parlé chaque fin d’année scolaire de l’influence positive que la présence de ma fille avait eu sur l’ensemble de la classe.
Il faut se battre pour l’enfant, avec l’enfant, pour qu’il puisse réussir son intégration dans la société.
Texte écrit par Marieke en 2004